… j’en sais trop rien en fait !
Bientôt 2 ans que je suis salarié d’une association. Une asso dont j’ai été le président (rien de secret, tout est public, comme une entreprise ? non, plus encore) lors de sa création.
Cette asso ressemble comme 2 gouttes d’eau aux gens qui l’ont fondées. Des bidouilleurs, curieux, s’animant de convictions diverses et variées, des discrets, des moins discrets, des militants, des neutres, des rigolos, des moins rigolos, des écolos, des moins écolos, des humanistes, des moins humanistes, des rêveurs, des protocolaires …
Bref, cette asso a toujours eu comme objectif la vulgarisation des usages numériques, à l’éducation numérique, à l’expérimentation, à l’animation, aux débats et échange …
Ce qui faisait notre force et notre ambition, c’était pas grand chose finalement. On se réunissait souvent autour d’une bière, pour parler technos, PirateBox, NDDL, Saint-Brieuc, les besoins non satisfaits, l’éducation numérique globale quasi inexistante, le monde qui change, changer le monde …
Ces rassemblements se déroulaient librement, sans contraintes, entre nous mais il y avait toujours une ou des nouvelles personnes chaque soir. Pas de loyer, pas de charges (à part les bières), pas de salariés à payer, pas de PQ à acheter …
Jusqu’au jour où on a vu un peu plus grand, parce que encore l’identification d’un besoin non (ou alors très mal) satisfait sur le territoire de Saint-Brieuc. Ce besoin (diagnostic de territoire) c’était un espace de rencontre, un espace de travail, un espace de créativité, un espace d’échanges et de partages, un espace ouvert -horaires et public-, un espace d’empowerment, un espace de liberté, un espace entre l’entreprise et la maison …
Un tiers lieu quoi !
Lors de la construction du projet de ce tiers lieu, l’ADN de l’association est vite remonté en surface. Ce besoin de pouvoir se rassembler, échanger entre citoyens, librement. Tout le monde était d’accord pour s’accorder cette liberté, quoi qu’il advienne.
Mais ça c’était avant !
Ou pas ! Ce qui a fondamentalement changé, c’est notre impact sur notre territoire. Je m’explique :
Le projet de l’association, c’est un espace de coworking, d’animations et d’expérimentations autour du numérique, mais pas que ! J’insiste bien sur le « mais pas que » car c’est réellement ce que nous recherchions. Le numérique a un impact sur nos sociétés actuelles, c’est une évidence et des femmes et hommes de renommée l’affirment également (faut-il ENCORE le répéter en 2015 ?).
Pour réaliser tout ça il nous faut des moyens. Les moyens techniques, genre une machin Box pour de l’internet, au minimum un gros switch, des câbles réseaux, un point d’accès wifi, une cafetière, des permanents – les moyens humains – pour gérer toute l’activité de coworking et celle de l’animation et évidemment des mètres carrés pour héberger tout ce petit monde.
Comme c’est un projet de territoire, que nous pensons réellement satisfaire un besoin « citoyen » sur Saint-Brieuc et dans les Côtes d’Armor, que nous sommes une association, il nous semblait logique de demander des subventions publiques et privées, les moyens financiers. C’est là où les directions peuvent évoluer. Afin d’obtenir des subventions, nous proposons diverses actions innovantes à appliquer au territoire. Nous réalisons ces actions, nous les évaluons et en faisons un bilan aux partenaires. Jusque ici tout est normal, tout est naturel et chacun s’efforce de faire au mieux. Je le répète, jusqu’ici tout est normal.
C’est pas non plus des centaines de milliers d’€, ni même une centaine que nous demandons pour fonctionner, quelques dizaines, à peine 30 000€ que nous réunissons auprès de différentes collectivités partenaires. Généralement, puisque c’est pour de l’action, un contrat (une convention) est établie, qui précise en gros le montant alloué, les actions à effectuer au vu de ce que l’on a proposé, ainsi que les obligations de bilan et de communication.
Tu me diras : t’es gentil Ludo mais c’est nos impôts !
Oui, en effet, c’est nos impôts. Nous sommes en France, ça fonctionne comme ça l’intérêt général. Tu paies des impôts, pour qu’ensuite une (super légère) partie soit redistribuée à des citoyens, des associations, des entreprises …
– Et comment c’est distribué tout ça ? Qui décide de quoi nous (citoyens) nous avons besoin ?
Ce sont nos élus (aidés par des agents / techniciens évidemment), ceux pour qui une majorité de la population a voté. Les différentes politiques vont devoir défendre leurs projets, vont devoir jouer du coude pour ne pas trop perdre de budget pour l’année (les budgets descendent pour tout le monde dans cette logique). Je ne citerai que la culture. Les directions et services des collectivités ont vu leurs budgets se serrer, donc les assos subventionnées ont moins de budget, donc les actions des assos ont moins de budget ou plus du tout. Tu comprends comment des festivals (c’est pas la seule raison mais bon …) arrêtent du jour au lendemain (d’une année à l’autre) … Et pourtant, la culture est un bien commun, il parait !
Les partenaires qui financent des projets sont super regardants sur « où va l’argent » (les impôts pour les collectivités, donc ton argent), ce qui est normal. Ils sont regardants sur ce que tu fais, si tu le fais bien, combien de gens tu touches, est ce qu’il y a des petits fours quand tu organises un événement, est ce que la presse est là pour relayer l’info, est ce que son logo était bien visible … Mais ils sont aussi regardants sur le reste.
Comment ça on nous surveille ?
Bah oui, tu comprends Ludo, tu utilises internet comme un maçon manie la truelle, l’agriculteur son tracteur. Tu t’exprimes en public, sous ton nom, tu dis ce que tu veux, quand t’es content ou pas content. Alors pourquoi ne pas écouter ce que tu dis pour voir si tu es un bon « gestionnaire d’asso » (attention teasing sur le prochain billet), si tu es mesuré dans tes propos afin de ne choquer ou offenser personne. Bref, je dirais que là aussi tout est normal, j’en fais autant :p
Bah oui, quand une action d’une entreprise, d’une collectivité, d’une association ou tout autre structure bénéficiant d’une (super légère) partie de mes impôts ne me convient pas ou m’interpelle dans mon moi le plus profond, je demande des explications. (tu le vois le lien avec l’ OpenData / OpenGov ?)
Et pourquoi je ne pourrais pas le faire ? Pourquoi je n’aurais pas le droit d’interpeller publiquement lorsque je ne suis pas « content » ? Vous le faites bien, vous, nos dirigeants (privés et publics).
Pour le moment on a encore la liberté de s’exprimer librement (en respectant les règles fondamentales de la bienveillance et du respect de la liberté des autres) sur Twitter ou ailleurs. On a encore cette liberté qui pourrait nous être amputée par le #PJLRenseignement ! Un ministère pourrait demander la fermeture de mon blog si je publie des propos qui vont à l’encontre de nos élus (je n’exagère pas).
Fais gaffe, tu risques de perdre des partenaires !
Nous y voilà ! Puisque les partenaires regardent ce que tu publies sur ton site perso, regardent ton fil twitter perso… tu vas coller une étiquette au projet, à l’asso ! Et si ça ne plait pas aux partenaires alors ils pourraient arrêter de vous aider.
Ça fonctionne comme ça la Politique. Entends bien la Politique avec un P majuscule, je ne veux pas dire pas la politique institutionnelle que je ne connais pas donc ne pourrais en parler. La Politique que l’on retrouve dans les structures ou dans le PMU du coin. Il faut être beau, gentil, happy face de janvier à décembre, fermer sa gueule et tout calculer avant de l’ouvrir. Ne pas faire dans l’idée de plaire … C’est super chiant, c’est privateur, c’est pas super Open et très vertical.
Grosso merdo ça ne me convient pas.
Moi + la Politique = Moi Politique || Moi & la Politique = 2 || 3
Alors oui, je prends le risque, tous les jours, de perdre des moyens car ma liberté n’est pas à vendre. Mes tweets, mes articles, mes logs IRC, mes mails perso tout ceci est MA communication, MON expression … Personnelle, qui vient de moi et pas de mon employeur, des différentes structures dans lesquelles j’ai des responsabilités.
Il m’a fallu un peu de temps pour identifier ce point « bloquant » dans ma vie professionnelle. Tu vas me dire : écoutes Ludo, faut savoir ce que tu veux hein ! Tu montes une asso recevant des subventions donc faut être lisse, dans les cadres. Sinon, tu montes une entreprise classique.
Les questions sous-jacentes sont plutôt : que veut on pour notre bassin de vie ? Et comment mettre en oeuvre, faire, aussi bien que possible ? Sommes nous dans la bonne direction ? Faut-il que JE m’exprime moins publiquement ?
L’avenir nous le dira et je reviendrai faire un bilan, ici, sur mon blog PERSO.
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